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28 mars 2008

Le jour des corneilles

le_jour_des_corneillesJean-François Beauchemin
Les Allusifs, 2007

Voilà un livre bien étrange que le jour des corneilles !
Je me suis retrouvée plongée dans une contrée inconnue. Evidemment, la nationalité de l’auteur fait virevolter l’imagination vers le Nord américain mais rien n’est sûr… Quant à situer l’histoire dans le temps… cela reste un mystère qui titille ma curiosité….

Direction la forêt où vivent les Courge père et fils. Tous deux vivotent de leur chasse, isolés du reste du monde. Le père n’aime pas les humains et a imposé à son fils une vie d’ermite. Sortir de la forêt n’est pas envisageable. Mettre un pied dans le village ? C’est risquer les foudres du père. On apprendra au fil du récit ce qui a provoqué cet isolement mais l’auteur prend un malin plaisir à retarder le moment et je ne vous en soufflerai mot mais le jour des corneilles est le point de départ et explique pourquoi le père a choisi cette vie. Ce jour funeste explique surtout son comportement parce qu’évidemment, il est très très particulier et entretient avec son fils des relations elles aussi particulières. Tout commence pour ces deux-là, le jour même de la naissance du fils (on ne connaît pas son prénom, lui non plus d’ailleurs) qui est également le jour de la mort de la mère. Le père va  tourner maboule et commencer dès ce moment à être habité par "ses gens" qui lui prescrivent des tâches à chaque "visite". Le fiston en fera les frais mais obéira "sans rouspète".
Autant dire que chaque scène, menée par un être possédé est autant cruelle que cocasse et le fils s’en tire étonnement. " Je n’eus point de rêvement cette nuit-là, mon casque s’affairant sans doute à besognes plus urgentes : replâtrage d’entendement, ressemelage de notions, raccommodage de lumières et remises en état semblables ".

Malgré tout ce qu’il endure, rien ne le détourne du questionnement qui le hante. "J’observais père. Oh comme je le chérissais, ce bourgeois inventeur de mes jours ! Comme je le vénérais…Voilà pourquoi je me questionnais tant : père m’aimait-il, m’aimait-il seulement ? "

C’est au travers d’un monologue du fils au tribunal qu’est contée la vie de ces deux-là entre parties de chasse, veillées, magasin d’accoutres à regarnir, lecture des astres, "visite des gens" pour le père, vision des morts pour le fils…
Et l’on se demande tout au long du récit ce qui a pu l’amener devant un juge. Finalement JF Beauchemin nous balade bien, dans un récit où le temps semble suspendu. On ne sait pas où l’on est ni où l’on va mais quel délice ! Car c’est d’une belle histoire d’amour dont il est question. Celui d’un homme pour sa femme morte très jeune, celui d’un fils pour son père, celui d’un jouvenceau qui lors d’une incursion au village va rencontrer Manon et... des sensations jusqu’alors inconnues. "Diable ! Quand vous me touchez la main tel qu’ainsi, c’est comme si farfadettes me chatouillaient sous le pied ! Cela me met hilarités au corps !"

Le tout est servi (et c’est là que c’est jubilatoire) dans une langue d’une richesse et d’une inventivité incroyable. Le mystère plane encore car l’auteur nous embrouille une fois de plus par ce biais. Est-ce un vocabulaire somme toute courant au Québec ? Une pure invention ? Tout porte à croire que l’histoire se déroule en des temps reculés mais la rencontre avec certains mots "modernisés" casse vite la théorie !

Mais est-ce bien important ? Beauchemin nous embarque dans les méandres de l’esprit torturé de l’être humain entre quête effrénée de l’amour ou démence de l’avoir perdu. Un roman étrange, inattendu, extraordinaire. Une belle découverte qui ne peut laisser sans réactions. Une belle gourmandise pour les adeptes des néologismes et bons mots !
J’ai lu ici et là que le livre serait adapté à l’écran d’ici 2010, j’ai hâte de voir le résultat !

Malice en parle également ici après deux lectures !

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Commentaires
V
Belle, a priori, personne ne prend la suite ! mais tu peux toujours le proposer ! autrement, retour au bercail !
B
Je l'ai reçu au fait ! Oh j'ai oublié de te le dire. Il faut que je l'envoie à quelqu'un après ?
V
Yueyin, c'est une histoire étrange et bizarrement, j'ai pris beaucoup de distance par rapport à elle et sa noirceur ! A tenter toutefois, j'ai trouvé que c'était une belle réussite d'un point de vue linguistique.
Y
La langue et très tentante mais l'histoire me fait un tout petit peu peur :-)
V
Alice, ce livre est une belle découverte et je ne suis pas déçue ! je vais tenter de trouver d'autres titres de l'auteur même si le style doit être différent ? Merci pour ta réponse à Françoise !
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