La maison ne fait plus de crédit
Jean-Yves Cendrey
L’Olivier, 2008
Je découvre Jean-Yves Cendrey avec "la maison ne fait plus de crédit", dernier opus de son cycle autobiographique dans lequel il règle largement et définitivement ses comptes avec son "héritage familial". Troisième volume du genre, cela en dit long sur ledit héritage !
Autobiographique certes, mais le narrateur est un pauvre bougre, engoncé dans sa médiocre existence de commercial, entre une femme à l’agonie (qui va durer plus de trente ans), son élevage de pigeons et son amour pour les Renault.
"Nous sommes fin soixante-treize et ça ne va pas trop mal pour moi. Je roule en R16, c’est dire. Je suis un commercial content. Je suis grand. Je me dégarnis devant mais je porte beau. J’ai des favoris soigneusement taillés. J’affectionne les chemises bleu pâle, les cravates marron, les vestes beiges, les pantalons gris, les mocassins noirs. Je jouis du respect de mes subordonnés. Ils apprécient mon autorité. Dans la boîte, mes coups de sang sont légendaires. Je suis à tu et à toi avec le patron, une pâte, un incapable. Il sait me devoir notre prospérité. Il ne s’autorise aucune décision sans me consulter".
Par derrière, il est loin du compte et se prend dans les gencives des "grand con à favoris"… et l’auteur jubile à le dépeindre ce pauvre type ! Cet adorateur de Pompidou et plus tard d’un président pas très grand bourré de tics… Il y va à grand coup de truelle et l’on avance entre médiocrité et bassesse qui vont crescendo.
Il est "parfait" ce petit commercial et pousse le zèle professionnel en se fendant "d’une visite après livraison". C’est comme cela qu’il va faire connaissance avec "la manman", celle qui va illuminer sa vie du haut de sa simplicité…
"Je dis Madame
Elle répond Oui, c’est pourquoi ?
C’est par ces mots bouleversants de simplicité que notre amour est né"
... celle aussi qui est la mère d’un "fils salaud" (l’auteur himself) et d’un fils gentil. Ces deux là vont en perdre des plumes (et/ou la raison) dans leur histoire familiale, coincés entre un père militaire, alcoolique et violent et une "manman" adultère, d’une telle simplicité qu’on ne pense pas une seconde qu’elle puisse être calculatrice et semer chaos et traumatismes autour d’elle.
Entre une idylle roucoulante, les coups qui tombent et la folie qui s’installe, le "fils salaud" prépare sa vengeance et la plume sera son arme…
Médusée, c’est bien le mot qui convient au sortir de cette lecture ! On entre au cœur un volcan qui bouillonne gentiment et qui va vite se mettre en action : ça fuse tous azimuts, c’est acide, caustique, dérangeant. Il y a de la rage, beaucoup ; de la médiocrité, énormément ; de la rancœur, à la folie ; des blessures, des humiliations et un règlement de compte en bonne et due forme, point final.
Médusée, mais j’ai aimé !
Yves a aussi aimé, "toutefois, il vaut mieux avoir bon moral avant de les entamer, car l'ambiance n'y est pas franchement à la rigolade !"